Le tract de trop (Ma lettre aux Pugétois)

Chères Pugétoises, chers Pugétois,

Les élections sont certainement déjà bien loin pour vous, mais vous l’avez peut-être su, lu ou entendu, j’avais déposé un recours (appelé « Protestation électorale ») le 3 juillet, auprès du tribunal administratif de Toulon suite au tract distribué par Madame Catherine Altare, maire sortante, au dernier jour de la campagne électorale.

Le jugement m’a été notifié le mardi 20 octobre, j’avais un mois pour faire appel de cette décision : c’est aujourd’hui. Je n’ai pas pour habitude de me défausser et ce n’est donc pas par hasard que j’ai choisi la date du 20 novembre pour publier cette lettre qui vous est adressée.

Mardi 20 octobre, donc, je recevais le jugement du tribunal administratif de Toulon suite à la protestation électorale que j’avais déposée. Ma protestation a été rejetée. Je ne ferai pas appel de ce jugement car ce qui m’importe n’est pas l’annulation du scrutin mais ce que vous allez lire dans cette lettre que je vous adresse.

Ce que je souhaite vous transmettre par cette lettre, c’est la raison de cette protestation qui n’avait pas vocation à l’origine de remettre en cause le scrutin mais seulement de ne pas laisser passer sous silence des pratiques antidémocratiques.

Vendredi 26 juin, dernier jour de campagne électorale du second tour, Catherine Altare, maire sortante, candidate à sa propre réélection, fait distribuer un tract dans lequel elle répond aux critiques sur son bilan, critiques que j’avais formulées avec mes colistiers dans un tract et ma profession de foi. Dans cette dernière, j’y avais aussi rappelé le rôle, l’engagement et le respect pour un maire de la confiance que les citoyens lui accordent.

Dans ce dernier tract, la candidate maire sortante a, pour moi, outrepassé les limites de la « polémique électorale » et a sali mon honneur puisque les propos écrits par la première magistrate, représentante de l’Etat, ont porté atteinte à ma personne et mon nom en me qualifiant de menteuse, que mon seul objectif était de « prendre la mairie » et pire encore, en vous menaçant de mort en écrivant que voter pour notre liste était suicidaire.

Je suis issue d’une famille dont les valeurs républicaines ainsi que tous les symboles de la République, comme les institutions qui la représentent, doivent être respectés. Mon grand-père paternel, François Floch, officier de marine, décédé centenaire, a été décoré de la Légion d’honneur. J’ai grandi avec ce sens aigu de l’honneur et de la justice.

C’était donc important pour moi de mener une campagne noble, en respectant scrupuleusement les règles du code électoral mais aussi, de toujours rester digne dans les différents documents distribués ou les propos tenus pendant la campagne. Je n’ai jamais manqué de respect aux personnes, ni menacé quiconque et j’ai respecté les valeurs de la démocratie en critiquant le programme ou le bilan de mes adversaires politiques sans jamais aller au-delà.

Dimanche 28 juin, Madame Catherine Altare est réélue maire.

Lundi 29 juin, elle félicitait les élus des listes adverses et ne doutait pas que nous pourrions travailler ensemble : fustigés le vendredi 26 juin, invités à travailler ensemble le lundi 29.

Le mercredi 1er juillet, alors que je discutais au téléphone avec une proche cliente (Je travaille en tant qu’indépendante), j’avais encore sous les yeux le tract avec ce mot « suicidaire » qui, permettez-moi cette expression familière, m’est revenu en pleine figure. Je lui ai exprimé mon ressenti, que je trouvais cela anormal de tenir de tel propos, venant d’un maire-candidat qui plus est, que je le vivais comme une agression, que je me sentais démunie, impuissante face à cela ; d’autant qu’en pleine période électorale, fin janvier 2014, conseillère municipale sortante, j’avais déjà eu l’expérience d’un tract, anonyme celui-là, à l’encontre de l’ancien maire de Puget-Ville, Max Bastide. Alors que ce dernier ne se représentait pas, un tract avait été distribué dans le village, un tract humiliant qui n’a malheureusement jamais pu être sanctionné. Le dernier tract de Madame Catherine Altare m’a rappelé cette façon de faire, mais là ce fut pire, il était signé du premier magistrat de la commune.

Ma cliente m’a alors répondu « mais vous savez, vous pouvez faire un recours, mais attention je crois que c’est jusqu’à vendredi ». C’est ainsi que j’ai contacté un collègue juriste à qui j’ai expliqué le tract et les propos tenus, je lui ai dit que ce que je voulais par mon action, c’est montrer qu’on ne peut plus laisser tenir de tels propos sans qu’il y ait une sanction aussi symbolique soit-elle (j’avais évoqué l’euro symbolique). Mon collègue juriste m’a dit que, dans ma situation, c’était plutôt du ressort du tribunal administratif que du pénal. Je ne sais pas si c’était la bonne analyse, mais c’est ainsi que pour la première fois de ma vie, j’ai demandé à un avocat de déposer un recours pour ce tract de trop.

Le vendredi 3 juillet, au cours du conseil municipal d’installation, madame le Maire (qui n’avait pas encore connaissance de mon recours), nous a lu la charte de l’élu local dans laquelle est écrit « L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité ».

Dans son interview du 14 juillet 2020, le président de la République Emmanuel Macron répondait ceci à Léa Salamé à propos des critiques à son encontre :

Je crois que la haine n’est pas acceptable en démocratie. On peut critiquer. Moi, je suis pour le débat. Notre pays est une grande démocratie. Mais la démocratie à cela, parce qu’il y a des élections libres, parce qu’il y a une liberté d’expression.  La haine dans le discours et la violence dans les manifestations ne peuvent être acceptées. Parce qu’à ce moment-là, si on les accepte, elles détruisent la liberté, en quelque sorte qu’on avait constituée. Donc, les critiques, même si, in petto, je peux considérer qu’elles sont injustes, elles font partie du jeu démocratique. Elles sont normales et j’aime d’ailleurs plutôt rentrer dans la contradiction et je l’ai fait à plusieurs reprises. La haine, le discours radical, la brutalité, je crois que ça ne fait pas partie de la vie démocratique et que ça affaiblit plutôt une démocratie. Donc, j’ai vu comme vous, en effet, durant ces 3 années, les choses parfois, se faire comme cela avec des pics.

Si nous laissons se banaliser toutes formes de violences aussi minimes puissent-elles paraître aux yeux de certains et qui plus est, venant d’élus, représentants de l’Etat, quel message faisons-nous passer aux citoyens ? Et surtout, à nos jeunes concitoyens ?

Le jugement du tribunal administratif aura été basé sur un manque d’éléments qui n’ont pas été transmis comme ils auraient dû l’être et que j’ai décidé de relater dans un autre article pour rétablir la vérité sur la campagne électorale.

Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est le message que renvoie ce jugement à la population, puisqu’il aura délibéré sur l’influence du tract dans la sincérité du scrutin et non sur les propos diffamatoires et menaçants.

Si ce tract n’a pas altéré la sincérité du scrutin, il aura, à n’en pas douter, altéré les valeurs de la République qui sont le fondement de notre démocratie.

Chers Pugétoises, chers Pugétois, vous voudrez bien pardonner la longueur de ma lettre et son ton peu formel, mais il fallait que je vous l’écrive pour soulager ce fardeau bien trop lourd que je porte seule jusqu’à présent : ce fardeau de voir que ceux qui ont triché, diffamé et menacé, ne subissent aucune sanction, qui pourtant leur rappellerait qu’il est de leur devoir en tant qu’élus de montrer l’exemple, et je n’arrive pas non plus à me résigner à expliquer à ma fille de six ans et demi que parfois, ceux qui ne respectent ni les règles ni la morale peuvent ne pas être inquiétés.

Dépôt d’un recours auprès du tribunal administratif

Vendredi 3 juillet, au cours du conseil municipal d’installation, madame Catherine Altare, nouvellement réélue à son poste de premier magistrat de la commune, nous lisait « La charte de l’élu » laquelle, au tout premier paragraphe, rappelle ceci : « l’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité » et au dernier paragraphe, par « Issu du suffrage universel, l’élu local est responsable de ses actes […] ».

Compte-tenu de la distribution, le vendredi 26 juin, dernier jour de la campagne électorale, par la liste « Continuons ensemble pour Puget », de tracts portant atteinte à ma personne, à mon nom, à mes colistiers et au programme que nous avons construit ensemble,

 

Que « Mensonge, démagogie, acte suicidaire » sont les propos tenus dans ce tract par la liste « Continuons ensemble pour Puget » ainsi que d’autres propos auxquels il nous aura été impossible de répondre démocratiquement en ce dernier jour de campagne électorale,

Que le lundi 29 juin, Madame Catherine Altare, félicitait les élus des listes adverses et ne doutait pas que nous pourrions travailler ensemble : fustigés le vendredi 26 juin, invités à travailler ensemble le lundi 29,

Attachée au respect des lois en général, des règles qui régissent les campagnes électorales en particulier et ayant un doute sur la légalité de cette action (articles L.48-2 et L.49 du code électoral), j’ai demandé à Maître Didier Hollet, Avocat au barreau de Toulon, de déposer en mon nom un recours auprès du Tribunal Administratif de Toulon afin de laisser à l’appréciation du juge la légalité de cette manœuvre au dernier jour de la campagne électorale.

Le recours a été déposé le vendredi 3 juillet.

Dans l’article Var-matin du dimanche 5 juillet consacré à l’installation du conseil municipal, Madame le Maire, dans son interview, s’inquiétait du taux de participation anormalement bas et espérait que « la désaffection des bureaux de vote soit liée à la seule conjoncture et ne traduise pas un désintérêt pour les affaires municipales ».

C’est en ne laissant plus passer sous silence ces pratiques que les valeurs de la République et la démocratie ne seront plus bafouées et que les citoyens retrouveront la motivation pour se rendre aux urnes et la confiance en leurs élus.

Quant aux félicitations, je les aurais adressées sans aucune difficulté à Madame le Maire si elle avait mené une campagne loyale jusqu’au bout mais cela n’a pas été le cas.

Marie-Laurence FLOCH-MALAN